dimanche, novembre 13, 2005

Quelqu'un










Elle prend la tumeur comme elle a pris le divorce: comme des événements. Et ce ne sont pas des événements qu'elle suit, c'est moi. Cette femme me rappelle, semaine après semaine, que je ne me réduis pas à une maladie, ni à des symptômes. Elle me rappelle, en somme, que j'existe et que je suis irréductible.

Je l'attends chaque semaine, elle vient chez moi. Elle soigne avec des mots. Elle est pourtant toujours à distance, ni amie ni familière. Je lui raconte mes aventures. J'en ai des légions. Parfois même, j'arrive à lâcher les amarres. Jamais très longtemps. Je m'enferme, je tiens bon. Ce serait bon, certainement, de pouvoir pleurer. Mais il existe des souffrances trop profondes pour que les pleurs puissent les emporter. Des souffrances qui ne se partagent pas, ni ne se déracinent.

La Vie sauve (Prix Médicis de l'essai 2005)
L. Violet et M. Desplechin.