vendredi, octobre 07, 2005

Lettre à un jeune stagiaire .











II vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade ».

Vous allez commencer vos stages cliniques, entrer dans le cercle privilégié des hommes et des femmes qui ont décidé de soigner leurs semblables. C’est plus qu’un métier ou qu’une vocation, c’est réellement un art; en effet, il faut au médecin, bien plus que de l’intelligence ou du dévouement, il doit avoir ce que Harisson appelait « un sens quasi shaekespecirien de l’être humain », du tact, du bon sens. L’intelligence est un bien indispensable, la gentillesse est plus que souhaitable mais votre sourire et votre tact feront de vous un bon médecin. Si vous parvenez à décrocher un sourire à votre patient, vous avez déjà beaucoup avancé dans son traitement car il vous fait confiance, il vous écoutera, il se sentira rassuré.

1. Respectez le secret de votre patient; la Belgique est un petit pays où tout le monde se connaît, ne l’oubliez jamais; les ascenseurs et les couloirs des h6pitaux sont propices au bafouement du secret médical;
2. Ecoutez votre patient et n’étiquetez pas trop vite un patient de « psychiatrique », l’erreur est tellement malheureuse;
3. « Rien de ce qui est humain n’est étrange ou repoussant », Harisson; tous les patients ont droit à vos soins, qu’ils soient compliants ou insupportables, bêtes et méchants ou tout à fait charmants, dépressifs ou alcooliques, fumeurs ou drogués;
4. Un « beau cas » est quelque chose de relatif;
5. N’oubliez jamais que les pourcentages et les statistiques ne valent que pour une population et non pour une personne. La réussite, c’est comme l’échec, c’est toujours 100 % pour celui à qui ça arrive. Pour lui, peu importent les 99 autres;
6. Un train peut en cacher un autre; vous devez toujours pouvoir vous remettre en question; acceptez les remarques des autres comme des conseils, c’est comme cela que vous progresserez;
7. Ne laissez pas un patient faire ses exercices de marche dans le couloir avec sa blouse d’h6pital ouverte dans le dos, qui permet à tous les passants de voir qu’il porte un lange;
8. Respectez l’intimité d’un patient qui est sur la panne, c’est déjà tellement humiliant;
9. Quand vous demandez un sédiment urinaire ou une coproculture, imaginez-vous devoir remplir vous-mêmes ces tout petits pots;
10. N’oubliez jamais d’aider la personne que vous venez d’examiner à rattacher son soutien-gorge, à reboutonner son pyjama ou à lui ouvrir la porte;
11. Restez toujours souriants. Le sourire peut exprimer tous les sentiments, de la joie à la sympathie en passant par la colère ou la révolte; sourire ne veut pas dire se moquer mais comprendre;
12. Votre patient ne comprend pas les termes médicaux. N’oubliez pas qu’avant de commencer vos longues études, vous ne saviez probablement pas à quoi ressemblait une vertèbre, comment on écrit anamnèse ou encore où se trouve la rate;

Ce ne sont là que quelques petits détails de la vie quotidienne du médecin. Ils sont importants. Un jour, un patient vous dira merci pour un petit détail de ce genre, il vous appréciera, vous fera confiance et vous connaîtrez grâce à lui (grâce à vous?) la vraie relation médecin-patient. C’est ce patient-là qui vous fera apprécier votre métier.
Certains pensent qu’on est soit médecin soit malade. Méfiez-vous de la maladie, elle peut toucher tout le monde, mime vous. Je ne vous souhaite pas de vous retrouver de l’autre c6té de la barrière mais il serait peut4tre utile à la formation du médecin de se retrouver dans un lit d’h6pital, avec une de ces blouses béantes, à voir des médecins quelques minutes par jour qui se tiennent au pied de votre lit (comme s’ils avaient peur de tomber) pour vous dire, dans une ambiance bien souvent très (trop) solennelle que les examens sont rassurants mais qu’il faut compléter les investigations. Ça veut dire quoi exactement? Pourquoi est-ce qu’ils chuchotent en s’éloignant de votre lit?
N’oubliez pas que les médecins sont les pires des patients, ils veulent savoir, ils posent des questions, ils sont tout simplement étiquetés « d’insupportables » par le personnel soignant... Pour vous faire réfléchir, voici une petite réflexion (assez habituelle d’ailleurs) d’un médecin à une stagiaire qui se plaignait d’aménorrhée (sympt6me pour le moins suspect quand on a l’âge d’être stagiaire): « si tu allais moins voir dans tes bouquins, tu serais moins malade »; elle avait un adénome hypophysaire. A méditer...

Je ne veux en aucun cas jouer au Professeur ou au Conseiller spirituel mais demandez-vous toujours, quand vous vous trouverez en face d’un patient, ce que vous feriez, demanderiez, souhaiteriez, regretteriez si vous étiez dans sa situation, qui est toujours plus mauvaise que la v6tre...
Christine REUS
PS . Merci pour cette bonne idée d’examen. J’espère que ça fera réfléchir mes futurs collègues autant que moi-même sur l’importance d’une relation de confiance avec son patient... Bonne lecture. Joyeux Noêl et Bonne Année 2000!

Examen d’Introduction à la Médecine Générale. MED 23 23 décembre 1999