jeudi, avril 18, 2019


étaient comme la boussole qui guidait ses pas. On ne peut que le suivre, en s'interrogeant avec lui sur cette forme d'inconscience dont témoignent certains chrétiens qui mesurent la fidélité de leur foi à leur capacité d'éviter toute détresse.
La Traversée de l'en-bas, ce livre écrit « pour ceux qui, par eux-mêmes ou par leurs proches, ont quelque connaissance de l'en-bas. Ailleurs, c'est hors de sens ou insupportable" », a été et reste l'un des ouvrages les plus lus de son oeuvre. Un lecteur témoignait « Ce livre, c'est comme si, alors que je suis en prison, quelqu'un frappait tout d'un coup de l'autre côté du mur de ma cellule, et je ne suis plus seul. »
Nul n'est obligé d'explorer ces régions. Effectivement, « là où ça se passe, apparaît tout ce qu'il ne fallait pas voir si l'on voulait rester en haut, à la surface, parmi les gens qui vont et viennent, dans ce qu'on appelle "la vie 12 » Cela dit sans le moindre jugement chez Bellet, pas de complaisance envers la souf¬france. « L'ennemi, c'est la tristesse », répétait cet homme qui savait être malicieux, taquin, rieur, d'un humour dévastateur. D'ailleurs, le titre du livre est explicite : il s'agit bien d'une traversée, c'est-à-dire d'un chemin qui donne à espérer retrouver la lumière et le goût de vivre. Que faire, alors, pour apporter soin et gué-

tison ?
Méditons sur le soin et la guérison.
Que faire pour soigner l'homme en l'homme ? Pas un de ses morceaux, mais lui entier, corps, âme, esprit; lui pour lui, avec d'autres, lui dans l'immensité du Tout.
Médicament ? Mais cela n'atteint pas l'humain en l'homme, sauf à penser qu'une femme en deuil de son enfant doit être guérie de sa douleur à coups d'euphorisants. Inhumain.
On peut, par d'habiles procédures, modifier le comportement, faire disparaître certains ressentis. Mais le noyau dur des douleurs n'est pas atteint. La science de ces techniques ignore l'en-bas. (..)
Écouter? Certainement. De cette écoute qui en-tend l'être humain comme être humain, sans rien exiger, sans rien même vouloir ou espérer, sans vouloir qu'il guérisse. Une écoute qui lui donne d'être là, hors de danger, dans ce lieu inouï qui est


ionation première
.tte mutuelle et primitive reconnaissance, c'est un sens le banal et l'ordinaire de la vie.
est ce qui s'échange dans le travail partagé, dans gestes simples de la tendresse, dans les conver-:ions au contenu peut-être dérisoire, mais où

pourtant l'on converse, face à face, présents pour s'entendre.
C'est ce qui subsiste et resurgit dans les situations extrêmes : quand quelqu'un va mourir (du sida, d'un cancer, de vieillesse...), quand quelqu'un, par âge ou accident, est réduit à l'hébétude. Alors il arrive qu'un presque rien, la lumière d'un vi¬sage, la musique d'une voix, le geste offert d'une main, tout d'un coup dise tout'.
Ce thème de l'entre nous est sans aucun doute ce qui fonde la plus grande partie, sinon toute l'oeuvre de Maurice Bellet. Il s'agit en effet non d'une forme gentille et souriante de morale sociale, mais bien du choix le plus radical, celui qui soutient tout — chaque être humain et le monde lui-même.
Il y a donc choix, décision originaire.
Il coïncide avec le don qui est fait à l'être humain d'être accueilli, reconnu, accepté comme présence et sujet d'une parole bonne à écouter. Il n'y a pas opposition du don et du choix, sinon lorsque la violence s'insinue entre les deux, rendant le don pervers et la décision décision de haine — ou les deux'.

Myriam Tonus . Ouvrir l'espace du Christianisme. Intoduction à lo'oeuvre pionnière de Maurice Bellet. Albin Michel. 2019.250 pages.